Je la sentais en moi, errer comme une rôdeuse. Cette impression de déjà-vu me saisissait amèrement et je me fatiguais à trainer mes jambes douloureuses. Je pensais qu'au fil du temps, qu'au fil des jours, je saurai m'endurcir et affronter les veilles de pleine lune avec plus de courage. Mais rien n'y faisait : je continuais à trembler comme l'enfant.
Les couloirs étaient déserts, comme à leur habitude. Ou du moins, comme à mon habitude. James et Sirius m'avaient fait la promesse d'éviter les ballades nocturnes lorsque je faisais mes rondes. Dès ma nomination de préfet en chef, ils avaient bien vite compris, à mon plus grand désarroi, que jamais je n'oserai les mettre en retenue. J'ai eu beau tenter de les menacer mais rien n'y faisait : j'étais trop faible. Et là était mon erreur, là était mon échec. Mais au moins, ils m'offraient, en compensation, le plus beau des présents : leur respect.

Je régule doucereusement mon souffle, respectant le silence du lieu. Ma main frôle les aspérités du mur, tentant de reconnaître en leur sein le monde qui me fait tant de bien. Je tente de me rassurer, d'apprendre à nouveau à me sentir chez moi sans y arriver. Une angoisse ne cesse de grandir et je me laisse submerger, soumis, à genoux devant elle. Une aura soudaine m'intimide et je me retourne brusquement. J'ai la sensation que quelque chose me suit ; je jugerai avoir entendu une respiration, le frôlement d'une cape sur le sol lisse du château. Ressaisis-toi Remus, tu deviens suspicieux comme un gobelin ! Je respire bruyamment, tentant de relâcher la pression qui m'épuise. Le couloir est désert. Pas un hibou. Pourtant, je mettrai ma baguette au feu que quelqu'un d'autre était là, dans ce même couloir, quelques secondes auparavant. Je plisse les yeux, tentant de scruter une ombre, une silhouette à travers l'obscurité.

- Qui est là ? Un murmure, un souffle sans réponse.

Calme toi Remus. Tu es aussi stressé qu'une goule. Je me retourne à nouveau et resserre ma cape autours de moi, sans me rendre compte que ma main vint ensuite se loger dans ma poche, se resserrant vivement sur ma baguette, comme à la recherche d'une protection, d'un réconfort, d'une compagnie. Je marche plus lentement, à l'affût du moindre bruit, mes sens en éveil. Pourquoi suis-je sorti ? J'aurai dû rester dans la salle commune et faire affront à mes peurs ridicules. J'(aurai dû... J'aurai dû. Regrets et remords ; j'en ai eu et je continuerai à en avoir, incapable de me prendre en main, incapable d'affronter une réalité qui m'est trop dur à supporter. Pourquoi ne suis-je pas capable de faire preuve d'autant de courage que Sirius ? Pourquoi ne puis-je pas être aussi optimiste que James ? Pourquoi ne suis que ce trouillard, faible et innocent que chacun voit ? Je me hais. Je sens, comme à chaque mois, une haine frémir, naître à l'intérieur de moi, qui grandira et deviendra un petit monstre sommeillant en mon antre, prêt à rugir.

- Dis maman, une pomme, ça peut s'appeler Bertrand?

Je me retiens de hurler, faisant un soudain bond en avant. Une affreuse boule d'angoisse vient se loger dans ma gorge et me fait suffoquer un instant, avant que je ne reprenne mes esprits et me retourne brusquement. Je lance ma main dans le vide, tentant d'attraper quelque chose, battant l'air de mes griffes. Je sors habilement ma baguette de sa cachette.

- Lumos !

Un jet de lumière vient éclairer ma solitude. Personne. Je fronce les sourcils et me met à tourner sur moi-même, persuadé d'entendre un souffle, le frôlement d'une cape. Et cette phrase ! Qu'avait-il dit déjà ? Je fouille le couloir de la faible lumière de ma baguette.

- Qui est là ? Une voix dure qui sonne faux.

Une chaleur s'approche de moi. Je respire de plus en plus fort mais tente de me calmer pour ne pas handicaper mon meilleur atout : mon ouïe. Qu'est-ce que... Un rire étouffé ? Je fronce les sourcils et abaisse ma baguette. Un sourire illumine mon visage et je sens la peur m'évacuer brusquement. Je me retiens de rire. Quel imbécile je fais ! Alors que je m'attendais à voir je ne sais quelle créature magique ou personne désirant ma mort, je n'ai pas une seule fois imaginer qu'il pouvait s'agir de ce crétin de James qui continue à me tourner autour pour me faire peur. Je resserre mes doigts autour de ma baguette, observe attentivement autour de moi et pointe le vide :

- Rictusempra !

Remus J. Lupin - Rictusempra !

Je ne l'avais pas sentie venir, celle là ! Je ne pensais même pas que Remus saurait que j'étais là, planté derrière lui, à lui faire peur. Une vague de rire intense me frappa soudainement, et s'enroula autours de moi comme un Filet du Diable, près à m'enfoncer dans un dédale de délires incontrôlables et inimaginables. Je me fendis en deux, une centaine de main me chatouillant tout le corps, et même certaines parties où j'aurais préféré ne jamais être chatouillé. Les larmes me montèrent aux yeux. James Potter, tu ris comme un phoque à trois dents ! J'essayais, en vain, de contrôler l'intensité de mon rire, mais Lunard avait déjà, depuis bien longtemps, compris que je faisais l'idiot sous ma cape. Après tout, il n'avait pas lancé un sort au hasard, et pas n'importe où. J'attrapais ma baguette et la serrai fort contre moi. Impossible de dire la moindre incantation sans suffoquer. Je m'affaissais. Le sol froid me donnait l'impression de m'être assis sur une glace. Nouveau fou rire. Je suis assis sur une glace ! Je suis assis sur une glace, et je vais avoir les fesses congelés ! On pourra sortir des nouveaux sundae, goût fesse facétieux ! J'explosais littéralement de rire. Je n'arrivais plus à apercevoir Lunard, tant mes yeux étaient imbibés de rire.

Je sentais ma cape se soulever toute seule dans les airs, comme un oiseau. Cette oiseau mangeait ma cape ! Cette oiseau me confondait avec de la glace ! Mais je ne suis pas de la glace ! Qu'il était idiot. Je riais, encore et encore, à tel point qu'une crampe à la mâchoire commençait à m'élancer douloureusement. J'essayais d'appeler Remus à l'aide, pour qu'il récupère ma cape d'invisibilité et qu'il me donne quelque chose pour ma mâchoire douloureuse. Un grand verre de Whisky pur feu, par exemple.

Remus J. Lupin - Finite incantatem. Rebonsoir, Cornedrue.

Je l'observais. Alors comme ça, on m'avait jeté un sort, délibérément ? J'en avais même imaginé mes fesses en boules de glaces, alors que Rictusempra n'était censé que provoquer le rire. Remus, Remus... Toi et tes sorts bien trop puissants. Préfet Benêt m'avait ensorcelé et je n'avais rien vu venir. Ma blague tombait à l'eau aussi rapidement qu'un gallion dans la caisse d'un vendeur de glace... Il fallait que j'arrête avec ça, je me donnais envie.

James Potter - Lunard... Comme c'est... étrange, de te croiser ici. A cette heure-ci. Dans ce couloir là.

Je jetais un coup d'oeil autours de moi et pris une mine faussement surprise.

James Potter - Tiens ! Mais !.. Tu as ma cape d'invisibilité ? Je la cherchais partout ! Merci, Remus ! A plus tard ! Bonne nuit ! Fais attention aux élèves farceurs ! Heureusement que nous avons dépassé tout cela, nous, hein, Lunard ?... A plus tard.

J'essayais de récupérer ma cape d'entre ses mains. Il la lança en l'air, et d'un habile coup de baguette la fit léviter, juste au dessus de ma tête. Le message était clair; Je suis peut-être ton meilleur ami, mais la sanction risque de ne pas être commode. Remus ne pouvait pas me faire ça. Il ne nous avait jamais punit, Sirius et moi. Il préférait fermer les yeux, ou faire comme si il n'était au courant de rien. Mais cette nuit n'était pas sa nuit de garde, il ne pouvait pas expliquer que nous traînions dans les couloirs, tous les deux, cette nuit ? Non ? Son statut de préfet lui impose justement de montrer le droit chemin au autre, la bonne manière d'agir... Blablabla, toutes ces bêtises. (Ça n'avait clairement pas marché sur nous, mais le professeur McGonagall espérait toujours que ça arrive un jour.)
Mais là, il n'oserait pas quand même... Devant ma réflexion intense (Remus devait voir les moindres rouages de mon cerveau en action) il sourit. Ma peur grandit. Serait-il tant sadique pour sourire à l'idée de me sanctionner ?... Je reculais, tentant une dernière fois d'attraper ma cape d'invisibilité. Sans succès.

James tomba à mes pieds dans un rire saccadé, qui semblait presque l'étouffer. Des larmes ruisselaient sur son visage crispé et il me semblait presque qu'il souffrait plus qu'autre chose. Mais quand son rire se mit à résonner de plus bel dans le couloir désert, je ne pu m'empêcher de sourire à mon tour, résistant à l'envie soudaine de le rejoindre. Apaisé de savoir que c'était lui, tous mes muscles s'étaient relâchés fibre par fibre d'un seul et je me sentais à présent si léger que je ne me rendis même pas compte que tout ce boucan pourrait alerter les préfets qui étaient de gardes. J'étais tellement soulagé de savoir que la frayeur ressentie précédemment était issue d'une blague de mon Cornedrie et en même si heureux de ne plus me sentir seul dans ces couloirs désespérément vides que je ne pensais à rien d'autre.

A force de l'entendre rire, un gloussement contagieux s'échappe de ma bouche et je ne réussi pas à retenir plus longtemps mes éclats de rire qui se mêlent aux siens. Il en fut presque douloureux mais je me rend vite compte que rire avec lui me fait un bien fou et que, l'espace d'un instant, l'arrivée de la pleine lune me sort complètement de la tête. Je tente tant bien que mal de reprendre mes esprits en m'approchant de James, luttant contre mes ricanements afin de pouvoir le libérer de sa prison de gloussements en tout genre. D'un geste tremblant, je retire la cape d'invisibilité de son corps et la garde bien serré dans mon poing, observant le corps de James se tortiller dans tous les sens. Je m'amuse encore un instant à le regard ainsi, bien heureux de m'être vengé de sa farce, avant de me rendre compte qu'il serait peut-être temps que l'on se taise si on ne voulait pas se faire prendre à errer dans les couloirs à une heure si tardive. Je pointe ma baguette en sa direction et murmure entre deux gloussements plus discrets cette fois-ci le sortilège annulant le premier.

Tu me lances un regard réprobateur, caché derrière un air faussement innocent. J'aime mettre un terme à tes blagues de cette façon là, c'est ma façon à moi de te clouer le bec dira-t-on. Et puis te voir soudainement prendre un air "je ne vois pas du tout ce qu'il s'est passé" m'amuse beaucoup et me permet vite d'oublier que je suis censé te sanctionner pour, non seulement te promener dans les couloirs à cette heure là mais avant tout pour avoir fait une blague à un préfêt. Ne t'en fais pas, je ne suis pas encore assez bête pour croire cela ; je sais parfaitement qu'il s'agit d'une blague à un ami pour qui tu t'inquiètes et c'est cela qui me touche le plus venant de ta part.
Je t'observe te lever et agiter les mains au fur et à mesure que tu tentes de me faire croire qu'il ne s'est ab-so-lu-ment rien passé dans ce couloir sur un ton des plus innocents. Je te souris, faisant mine de croire à tout ce que tu disais, avant de t'empêcher de reprendre ta cape d'invisibilité en la faisant flotter dans les airs grâce au "Wingordium Leviosa". Mon sourire grandit encore un plus et je me surprend à m'amuse pour une fois de la situation. A l'accoutumée, je serais plutôt entrain de craindre que nous nous fassions attraper par un préfet ou professeur en train de rôder dans les couloirs... Mais, pour une fois, la situation semble prêter au rire et je crois que j'ai bien envie de m'amuser.
Je te laisse tenter de ratrapper ta cape encore un instant avant de la laisser tomber sur toi pour que tu disparaisses à nouveau en dessous. Je peux me permettre d'être vu, personne ne devinera que ce n'est pas à mon tour de faire une ronde. Quant à toi... Moins les professeurs te voient, mieux ils se portent !

- J'ai bien envie d'aller faire un tour dans le parc. Tu me suis ?

Ceci dit, je me retourne et commence à avancer en direction du grand escalier. Je sais que ma remarque va te surprendre et cette idée me fait sourire. Pour une fois, j'ai envie d'enfreindre les règles ! Par Merlin, que m'arrive-t-il ? Je me met à courir, suggérant à James qu'une petite course pourrait être drôle, afin de pimenter encore plus cette étrange soirée.

Une étrange sensation me parcoure le corps, comme un filament d'eau qui me toucherai sans me mouiller. Je tends un bras devant moi, je ne me vois plus. Je lève les yeux; la cape n'est plus dans les mains de Remus. Je reste un léger instant sans voix, sans comprendre. Malgré ma blague stupide, Remus continuait de me protéger? Ou alors n' était-ce qu'au final un simple "Tu ressembles à un Goblin, j'ai pas envie de vomir." Le sourire présent sur ses lèvres s'élargit, et une lueur apparut au fond de ses yeux.

Remus J. Lupin - J'ai bien envie d'aller faire un tour dans le parc. Tu me suis ?

Il se retournait déjà et commençait déjà à marcher avant que je ne réalise ce qu'il m'avait dit. Remus J. Lupin, préfet benêt, avait une envie subite de faire un tour dans le parc? A cette heure-ci ? Alors qu'il risquait d'avoir une sanction ? Remus J. Lupin faisait quelque chose d'interdit? Et le pire dans tous ça, c'est qu'il en était complètement conscient. Fou. Voilà ce qu'il était devenu. Fou !
Mes réflexions avaient fait disparaître Lunard sans que je ne réagisse. J'avançais précipitamment dans le couloir à la recherche de sa silouhette, ma cape me ralentissant un peu. Je croisais un autre préfet, et deux armures, avant de le retrouver, toujours aussi souriant.

James Potter - Où avez-vous obtenu ce cheveux ?

Je pointais ma baguette magique invisible sur Lunard, qui se retourna vers moi et me souria de plus bel. Impossible. Quelqu'un devait s'être amusé à faire du Polynectar. Cela devait être Sirius. Ou un Serpentard. Même la possibilité que ce soit Albus Dumbledore paraissait plus concevable. Il recommençait à marcher, pas le moins du monde troublé. Je décidais de me murer dans le silence ; autant ne pas trop en dire tant que je n'aurais pas d'explications.

Perdu dans mes réflexions, j'en oubliais que nous étions dans un vieux château où tous faisait exagérément du bruit. Une armure de métal qui tombe brutalement sur le sol de pierre froide, par exemple, alors qu'elle n'a subit que le malheureux choc d'un élève se baladant illégalement dans les couloirs à cette heure-ci en compagnie son meilleur ami qui lui, devenu complètement dingue, ne l'a pas averti de l'obstacle. Non pas que l'armure allait souffrir. Mais notre cas était bien différant. Si un quelconque concierge ou préfet tombait sur nous à l'instant même, ils verraient un préfet, stoïque dans le couloir, un stupide sourire affiché que la chute n'aura même pas défraîchi.

Je réfléchissais à toute vitesse. Deux options s'offraient à nous. La première, ne rien faire. Souvent, elle entraîne de grosse complications. La seconde; j'empoigne mon meilleur ami, je le fais glisser sous la cape, et on court dans le parc. Ils n'iraient pas fouiller les dortoirs, nous étions bien trop loin de notre salle commune à présent. Mais ils fouilleraient très certainement les couloirs. ALERTE GÉNÉRALE ! VIGILANCE CONSTANTE ! La voix de Sirius me donnait mal à la tête. Je soulevai ma cape, tirait Remus contre moi et abaissai la cape à nouveau. Je soufflai un bon coup, et entamait notre fuite. L'autre idiot souriait toujours, je crois.